Les conversations sont au coeur des pratiques agiles. Que ce soit lors de réunions de travail, de rétrospective, ou tout simplement d’une conversation en pair, l’art de maitriser une conversation reste une compétence difficile. La structure des conversations mène souvent les facilitateurs à bannir l’un ou l’autre de ces discours. Certains favorisent plus le dialogue. D’autres, focalisés sur l’efficience individuelle, ont tendance à provoquer des discussions.
Il reste toutefois que tout le monde est d’accord sur le fait que l’apprentissage se fait par la collaboration. Collaborativement, nous pouvons être plus intelligents, plus perspicaces.
Dans son livre
« Quantum theory », David Bohm dit que « l’univers est un tout indivisible, même s’il peut être représenté de façon plus générale, approximativement comme des parties séparées. En particulier, ceci veut dire qu’au niveau quantique, l’instrument observant et l’objet observé s’influencent l’un l’autre. À ce niveau, la perception et l’action ne peuvent pas être séparées. »
Nous pouvons considérer les sentiments et les réflexions comme un phénomène systémique émergeant de nos interactions et de nos discours les uns avec les autres. Il y a deux types de discours. Les deux sont nécessaires pour qu’une équipe s’améliore et apprend continuellement. Leur pouvoir réside principalement dans leur synergie, ce qui est malheureusement pas évident, surtout dans le cas ou on ne sait pas distinguer un mode d’un autre.
La discussion
Dans le mot « discussion », on retrouve « percussion » et « commotion », ce qui nous fait penser au jeu de ping-pong où on se renvoie mutuellement la balle. L’interêt commun dans ce genre de discours est normalement de « gagner », et dans notre cas donc de faire accepter son point de vue par le groupe. Dans ce cas, il est possible d’accepter une partie du point de vue adverse, mais nous voulons fondamentalement que notre point de vue l’emporte.
Le dialogue
Un mode de communication différent est « le dialogue ». Venant du grec « dialogos », Dia (via) Logos (mot, ou sens), on peut dire que le mot dialogue signifie la transmission du sens entre les individus. On peut imaginer le dialogue comme un flux de sens qui coule librement entre deux individus, équipes, unités etc.
Souvent référé aussi comme un bassin de compréhension commune, le dialogue ne peut pas être accessible individuellement. L’objectif du dialogue est d’aller au-delà d’une compréhension individuelle. « Nous ne voulons pas gagner dans un dialogue. Nous gagnerons tous si nous le faisons bien.» Un nouvel esprit basé sur le développement d’une compréhension commune prend lieu.
Observer le dialogue
Le dialogue est un moyen pour aider les gens à voir la nature représentative et participative de la pensée, de devenir plus sensible envers les incohérences de leurs réflexions, ainsi que de créer un climat de sécurité afin de reconnaître ces incohérences. Dans un dialogue, les gens deviennent des observateurs de leur propre réflexion.
Supposons que nous sommes en dialogue et qu’un conflit prenne lieu dans notre discours, nous observons alors la tension qui en résulte, mais nous sommes généralement conscients que cette tension émerge de nos pensées. Ceci arrive généralement quand nous sommes en harmonie entre interlocuteurs, membres d’équipes ou autres. Nous savons que ce sont nos relaxions qui sont en conflits et non nous-mêmes.
La valeur du dialogue est donc d’offrir aux interlocuteurs, un mode ou chacun peut utiliser consciemment cette tension créative afin d’atteindre une compréhension qui va au delà de la compréhension de chacun. Les interlocuteurs habitués deviennent beaucoup moins réactifs à exposer leurs émotions, points de vue, et réflexions individuelles.
Selon Bohm, « Via le dialogue, les gens peuvent s’entre aider pour devenir conscients des incohérences de chacun. De cette façon, la réflexion collective devient de plus en plus cohérente, consistente, et harmonieuse»
Trois conditions de base sont nécessaires pour atteindre le dialogue :
- Tous les participants doivent « suspendre » leurs assomptions. Pas de jugements.
- Tous les participants doivent se considérer comme des collègues
- Il doit y avoir un facilitateur qui s’assure de garder le contexte du dialogue
Suspendre les assomptions
Ceci ne veut pas dire les supprimer, ni d’éviter de les exprimer. Cela ne veut pas dire non plus qu’il est mauvais d’avoir des assomptions ou qu’on doit éliminer la subjectivité. Suspendre les assomptions revient plutôt à être conscient de nos observations, de nos sentiments et de nos émotions. En étant conscient de ces derniers et en les suspendant, nous pouvons les contraster avec ceux des autres, nous pouvons raisonner, et nous pouvons les exprimer par la suite d’une façon plus réfléchie.
Considérer les autres comme collègues
Nous parlons différemment avec nos amis que de la façon que nous le faisons avec des gens qui ne sont pas nos amis. Curieusement, au fur et à mesure de dialoguer, les membres d’équipes sentent que le sentiment d’amitié se développe dans le groupe, même avec ceux là ou il n’y a pas de « fit ». Considérer les autres comme collègues est un élément crucial pour réussir un dialogue. Plus précisément, c’est la volonté de considérer les autres comme collègues qui est importante. Il y a aussi un sens de vulnérabilité. Traiter les autres comme collègue crée un sentiment de sécurité face aux risques mutuels.
Être collègues ne veut pas dire être en accord ou avoir les mêmes points de vue. Au contraire, le réel pouvoir de se considérer comme collègues prend lieu quand les points de vues sont différentes. Choisir de considérer les adversaires comme « collègues avec des points de vue différentes » à les meilleures bénéfices!
Un facilitateur qui garde le contexte du dialogue
Nos habitudes ont tendance à nous tirer vers une discussion plutôt que vers un dialogue. Pour acquérir cette compétence de dialogue, recourir à un facilitateur compétent est une bonne stratégie. Le facilitateur garde le processus et s’assure que le groupe avance afin d’atteindre l’objectif de la session. Aussi, un bon facilitateur fait attention à la ligne entre être renseigné sur le sujet de la session afin de pouvoir aider, et entre être la personne référence jouant le rôle du docteur ou de l’expert.
Mais, dans le dialogue, le facilitateur peut faire mieux. De par sa compréhension de la structure et de la valeur du dialogue, il influence l’équipe tout simplement en participant au dialogue. Par exemple, après que quelqu’un fait une observation, le facilitateur peut dire « mais l’inverse peut être aussi vrai. » En ce faisant, la participation du facilitateur démontre le dialogue, ce dernier dit uniquement ce qu’il faut à chaque moment.
La balance entre le dialogue et la discussion
Dans le cadre de l’apprentissage en équipe, la discussion est la contrepartie du dialogue. Dans une discussion, plusieurs points de vue différents sont présentés et défendus, ce qui offre une analyse globale et très utile de la situation. Dans le dialogue, des points de vue différents sont présentés plutôt comme moyens envers la découverte d’une nouvelle vue. Dans une discussion, des décisions sont prises. Dans un dialogue, des enjeux complexes sont explorés. Quand une équipe doit atteindre un accord et que des décisions doivent être prises, nous avons besoin de discussion. Quand elles sont productives, les discussions convergent en une conclusion ou à des façons de procéder. D’autre part, les dialogues sont divergents, ils ne cherchent pas l’accord, mais une compréhension riche des enjeux complexes. Dialogue et discussion permettent à l’équipe de prendre des actions; Les actions sont souvent le focus des discussions, tandis que de nouvelles actions émerge comme produit du dialogue.
Conclusion
Une équipe apprenante maitrise le va-et-vient entre dialogue et discussion. Les règles de base sont différentes, les objectifs sont différents. En échouant à distinguer entre les deux, les équipes n’ont généralement ni dialogue ni discussion productives.
Une relation unique se développe entre les membres d’équipe qui entrent régulièrement en dialogue. Ils développent une confiance profonde qui leur sera très utile quand ils entreront en discussion. Ils développent une meilleure compréhension de l’originalité de chaque point de vue de chaque personne. De plus, ils expérimentent comment atteindre une compréhension de groupe plus large en gardant son point de vue gentillement. Ils apprennent l’art de prendre position au lieu d’être pris par leur position. Quand il est approprié de défendre un point de vue, ils le font gracieusement et avec moins de rigidité, sans mettre « gagner » comme première priorité.